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Je suis une femme en 2020

Petite, j’ai grandi dans une famille qui ne faisait pas la distinction entre mon frère et moi. Une famille qui faisait primer ma réussite professionnelle avant celle sentimentale. Qui m’a toujours appris à me construire moi avant de vouloir construire une famille. Qui ne m’a pas résumée à une future mère et maîtresse de maison, comme c’est le cas pour beaucoup de petites filles. J’ai grandi dans cette idée que je serai capable de devenir n’importe qui, tant que je le voulais. Que je serai capable de grandes choses, tout autant que mon petit frère. Mais grandir en étant une fille, c’est se confronter à la réalité de la société. Une réalité qui est loin de celle en quoi m’a fait croire ma famille. Qu’est ce que cela signifie, être une femme, en France, en 2020 ?


C’est découvrir son corps à travers le regard des hommes. À travers leur sifflement, leurs insultes, leurs pas dans les nôtres sur plusieurs centaines de mètres (parfois plusieurs kilomètres), parce qu’ils ont aperçu nos formes nouvelles avant que nous les voyons nous-mêmes. C’est se faire toucher, sans qu’on le veuille, à un âge où l’on ne se rend même pas compte de l’importance que ces gestes impliquent. C’est découvrir, par la même occasion, la peur. Celle de rentrer seule le soir, quand il fait nuit, quand nous sommes seules dans les rues sombres, car l’on ne sait pas quel détraqué pourrait encore surgir. Celle d’appeler un taxi en étant saoule après une soirée entre amie car l’on ne sait pas si notre chauffeur voudra profiter de notre état d’ébriété, puis peur que l’on nous reproche d’avoir trop bu. La peur de se faire toucher, quand l’on danse avec nos amies en boîtes de nuit, quand l’on rentre dans un métro bondé (ou pas d’ailleurs), puis peur que l’on nous reproche notre tenue. La peur qu’un homme décide de s’exhiber devant nous, comme si l’on pouvait trouver cela un tant soit peut existant. La peur, ensuite, de monter dans une rame remplie d’homme, de passer devant notre boss qui nous a fait des avances un petit peu trop insistantes. Tout simplement la peur, car nous ne sommes que des femmes après tout.


Être une femme, c’est également réaliser en grandissant que l’on vaut moins qu’un homme. Réaliser qu’au travail, nous seront moins payées, que nous devront faire des sacrifices toutes notre vie pour essayer d’évoluer dans notre carrière, sans pour autant réussir à atteindre les postes décisionnels (ou en tout cas très rarement). C’est aussi apprendre que notre voix compte moins que celle d’un homme. Qu’elle sera moins entendue, moins écoutée. Nous pouvons nous en rendre compte dans les commissariats, quand les femmes viennent porter plaintes contre ce conjoint qui les a frappée une nouvelle fois. L’on peut s’en rendre compte aux Césars, où l’on décide en âme et conscience de récompenser un violeur. Peut importe à quel point les femmes ont pu crier forts pour dénoncer ces actes abominables. Des hommes ont simplement pris la décision de remettre ce prix à lui et pas à quelqu’un d’autre. Acte politique aux yeux de tous, car qui n’a pas peu passé à côté de l’affaire Polanski ? Qui n’a pas entendu au moins une fois parler de l’acte qu’il a imposé à une fillette de treize ans ? Personne. Absolument personne. Alors, en toute connaissance de l’homme qu’ils avaient devant eux, parce qu’il est fort, puissant, qu’il a de l’argent et toute sa carrière derrière lui, ces hommes ont décidé de lui remettre ce prix. Un doigt d’honneur à toutes ces femmes victimes de violences, d’agressions. Un doigt d’honneur à toutes ces femmes qui se sont battues pour qu’on entende leur voix et leur droits. On en a rien à faire des femmes. Parce qu’on est faible ? Moins importantes ? Parce que l’on compte moins ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui, je compte moins qu’un homme, et ça me révolte.


L’on découvre également qu’en 2020, au XXie siècle, la femme est encore vu comme un objet sexuel par beaucoup d’homme. Vue comme celle qui porte les enfants, les élève, et s’occupe de la maison. On se rend compte qu’en 2020, l’homme à encore cette volonté de paraître comme la figure forte de la maison, et que pour cela, il faut écraser la femme, car comment sera-t-il vu si sa femme travaille plus qu’elle ne s’occupe de leur deux enfants, qu’elle ramène un petit peu plus d’argent, qu’elle a réussi à décrocher un plus gros poste, un plus gros contrat ? En 2020, à travers les yeux de beaucoup d’homme, on ne mérite qu’une place inférieure à celle de l’homme. La nouvelle nourrice d’un enfant de 30, 40, 50 ans. C’est absurde n’est-ce pas ? Bienvenu en 2020.


Malgré tout, je me sens chanceuse d’avoir grandi à cette période où la parole féminine se libère. À cette période où la Femme n’a plus peur de parler, de faire entendre sa voix aussi bien que son cri de rage. Cette femme m’inspire, et me donne envie de me battre. Me battre pour qu’on reconnaisse mes capacités avant mes formes. Me battre pour que l’on cesse de me considéré comme un objet mais comme une personne, une personne capable de faire aussi bien qu’un homme. Me battre pour l’égalité salariale, pour que l’on me prenne au sérieux le jour où j’irai porter plainte pour abus sexuel, agression, violence conjugale. Me battre pour que ma fille, plus tard, puisse se sentir capable de devenir n’importe qui, pas seulement chez moi, mais dehors aussi.

Anonyme

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