Les bobos, mode ou classe sociale ?
- ASH Sorbonne
- 16 déc. 2018
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Depuis bien longtemps déjà, l’homme divise ses sociétés en différents groupes, hiérarchisés ou non. Ainsi, le bien connu Karl Marx, historien, philosophe et sociologue allemand, divisait la société en deux classes : la classe dominante (les bourgeois) et les prolétaires. Si cette conception de la société a longtemps été reprise et souvent contestée, les sociétés contemporaines peuvent-elles réellement être divisées de manières aussi manichéenne ?
Aujourd’hui, il y a différentes manières de diviser la société, les CSP (catégories socio-professionnelles) par exemples, sont un des moyens les plus utilisés aujourd’hui dans les études statistiques. Néanmoins, ces catégories ne reflètent pas nécessairement une réalité sociale. En effet, si elles peuvent désigner des classes en soi, classe sociale dont les individus n’ont pas conscience de leur appartenance, elles ne seront pas nécessairement une classe pour soi, caractérisée par la conscience d’appartenir à une classe sociale.
La classe sociale est une notion sociologique assez ancienne, permettant de ranger des individus partageant certains critères liés à la position sociale. Le terme « bobo » quant à lui, est apparu dans les années 2000. Ce terme est apparu pour la première fois sous la plume du journaliste américain David Brooks, dans son livre Bobos in Paradise, publié en 2000 et immédiatement traduit de l’autre côté de l’Atlantique où il rencontrera un franc succès dans le milieu journalistique. C’est la contraction de bourgeois et de bohème, et cela désigne un sociostyle, c'est-à-dire une tentative de caractériser un groupe social selon les valeurs que ses membres partagent, plutôt que selon leurs caractéristiques socio-économiques ou démographiques.
Si ce terme est omniprésent dans nos sociétés, signifie-t-il réellement quelque chose ? Savons-nous vraiment ce que nous désignons par le terme « bobo » ? Les « bobos » constituent-ils une classe sociale ou une simple mode ? Existe-il un groupe se caractérisant lui-même par ce terme ou que nous pouvons réellement caractérisé par ce terme ? Tant de questions qu’il est intéressant d’étudier pour comprendre les structures des sociétés contemporaines.
En premier lieu, il nous faut déterminer, dans l’hypothèse où les « bobos » constitueraient une réelle classe sociale, si cette dernière est en soi ou pour soi. La question est simple : un « bobo » sait-il qu’il est un « bobo » ? La réponse est non. Demandez autour de vous, peu de personne vous répondront oui, certains auront même des réactions violentes, s’offusquant que vous ayez pu penser cela. Il n’y a pas de réelle conscience de classe, pour reprendre les termes des sociologues. Les « bobos » seraient une classe en soi, une classe de fait, dont les membres ne revendiquent pas leur appartenance.
Mais cette réaction parfois brutale traduit un autre aspect de ce terme. En effet, ce terme est souvent à caractère péjoratif. Désignant les gentrifieurs bien souvent, ces personnes de la classe moyenne supérieure qui s’installent dans des quartiers autrefois populaires et qui transforme ces lieux, les embourgeoisant ou les « boboïsant ». Si l’on ne veut pas appartenir à la catégorie des « bobos », c’est parce qu’ils ont cette image de petit bourgeois voulant juste aller contre leurs parents. C’est ainsi que pour la pensée commune, le bobo votera à gauche, sera végan, etc.
C’est alors un autre aspect de cette catégorie qui nous apparaît : le bobo mange bio, il a une réelle conscience écologique qui se traduit dans son mode consommation. Le coffee shop proposant un latte au lait de soja sera donc un repère à « bobos ». La question que je me pose alors est pourquoi l’écologie serait une caractéristique bobo ? Pourquoi ne pas manger de viande serait quelque chose de bobo et non pas juste une volonté personnelle émanant de ses convictions ?
C’est là qu’aboutit ma réflexion. Les « bobos » ne constituent pas une classe sociale, pas plus en soi que pour soi. En effet, nous avons tous quelque chose de « bobo » en nous. Décrire un « bobo » aujourd’hui est devenu bien trop compliqué car tout et n’importe quoi nous renvoie à ce terme. J’en conclue donc que les « bobos » sont une mode, certes partis d’un groupe social que l’on pouvait déterminer, mais actuellement, les « bobos », c’est la réunion de nouveaux modes de consommation et de vie qui ont gagné l’ensemble de la société. Le « bobo » est une mode et nous l’avons tous au moins en partie suivie une fois, sans même s’en rendre compte la plupart du temps.
Manelle SOKAR
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