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COVID-19 : Une jeunesse à l’agonie

L’année 2020 aura pour sûr marqué l’histoire et les esprits de la jeune génération actuelle. « Bonne année » criait-on le 1er janvier à minuit, s’enlaçant et s’embrassant à tout va, sans savoir que nous ne pouvions plus nous tromper.


Loin de moi l’idée de dresser un tableau purement sombre de la situation actuelle ou de me poser en défenseuse d’une jeunesse subissant injustement les mesures sanitaires en vigueur, mais simplement d’essayer de déconstruire l’idée populaire d’une jeunesse purement insouciante.


Janvier, cette époque pour le coup insouciante où nous nous disions bonjour en nous faisant la bise, semble si loin maintenant. La première fois que j’ai entendu parler de coronavirus, j’ai sincèrement pensé à un jeu de mot avec la marque de bière Corona, si seulement cela avait été ça. Plus les semaines passaient et plus la situation s’aggravait, sans comprendre réellement l’ampleur de la chose, nous étions tous, jeunes et moins jeunes, conscients que c’était bien plus que l’épidémie annuelle de grippe.


Le plus perturbant dans l’évolution de la situation jusqu’en mars fut la brutalité et la vitesse auxquelles allaient les mesures. Le 14 mars à 20h, c’est devant un verre de vin, sur une terrasse parisienne que beaucoup ont appris, comme moi, la fermeture des bars et autres commerces « non-indispensables » à minuit, soit quatre heures plus tard. Comment réaliser ce qu’il se passe vraiment lorsque l’on apprend qu’il est si risqué d’être dans des bars, qu’ils doivent fermer, en étant nous-mêmes sur une terrasse bondée ? Trois jours plus tard, le confinement commençait, prévu d’abord pour deux semaines.


C’est là que nous pouvons entrer dans le vif du sujet. Ces deux mois de confinement furent pour l’ensemble de la population une épreuve, parfois insoutenable. Aller faire les courses devenait l’évènement de la semaine et nous sortait de notre solitude. Mon article concerne la jeunesse car elle a été pour moi la plus touchée par tous ces événements, non pas parce qu’elle a plus subi des évènements tels que le coronavirus mais parce qu’elle est pointée du doigt depuis le début de la pandémie, parfois à raison mais bien souvent à tort, sous le coup de généralités insupportables.


Si aujourd’hui, les cours à distance sont, bien heureusement, mieux organisés, le premier confinement fut le spectacle d’une attente interminable car, professeurs comme étudiants n’étaient pas préparés à tout ça, qui l’aurait pu ?


11 mai. Cette date a sonné comme une libération, un espoir de retour à la normale. Et si finalement cela n’avait été que le début, le début d’un nouveau mode de vie, d’une modification des codes sociaux ? Si avant le confinement, beaucoup se faisaient encore la bise, au déconfinement, nous ne savions plus comment faire. Comment se dire bonjour ? Toucher l’autre est devenu tabou.


Le déconfinement a coïncidé avec la fin de l’année scolaire tant pour les élèves du primaire et du secondaire que pour nous autres étudiants du supérieur. Contrôle continu pour le baccalauréat et partiels à distance ont rythmé les mois de mai et juin de la jeune génération. Et c’est là que le bât blesse. Nombre d’articles parlaient d’une perte de valeur des diplômes en faisant valoir pour argument que l’année avait été donnée à tous. Effectivement, si nous prenons les résultats du baccalauréat, le taux de réussite après rattrapages s’élevait à 95,7% contre 88,1% en 2019. Alors oui, il serait faux de dire qu’il n’y a pas eu plus de diplômés cette année, les chiffres parlants d’eux-mêmes. Néanmoins, est-il vraiment juste de dénigrer le travail et le diplôme des 88% de lycéens ayant le bac tous les ans, sous le prétexte que quelques pourcents supplémentaires l’ont eu ? De plus, qui sommes nous pour juger une génération ayant vécu ses derniers mois de lycée sous confinement alors que ma propre génération avait passé le bac sous des conditions parfaitement normales ?


Il en va évidemment de même pour les étudiants et leurs partiels. Lorsque je lis des articles ou vois des commentaires sur les réseaux sociaux attestant que ma licence obtenue en 2020 ne vaut rien et qu’ils n’embaucheront pas notre génération ayant eu la possibilité de tricher lors d’examens en ligne, je ne comprends pas. Je ne comprends pas depuis quand j’ai intégré une licence durant six mois. Une licence, un BTS, ou quelque diplôme que ce soit, se fait en plusieurs années. Si je prends ces commentaires en compte, pourquoi travailler pendant trois ans si la valeur de mon diplôme ne tient qu’à son dernier semestre, obtenu tant bien que mal alors que le monde entier est à l’arrêt.


Outre ces commentaires et articles dénigrants face à nos diplômes, de nombreuses personnes pointent la jeunesse du doigt comme étant insouciante car étant sortie cet été ou tout simplement car nous nous plaignons alors que, et cet argument est souvent utilisé, « en 14-18, on demandait aux jeunes d’aller au front et c’était pire ». Il est vrai que nous ne pouvons nous comparer à la génération de soldats envoyés au front mais les personnes employant cet argument le peuvent-ils ? Les critiques venant d’une génération ayant vécu sa jeunesse pendant les Trente Glorieuses, à base de plein emploi, forte croissance et révolutions technologiques enjolivant le quotidien, ne m’atteignent pas. Plaignons-nous de la situation sanitaire, plaignons-nous du port du masque, plaignons-nous des confinements successifs. Je continuerai à me plaindre jusqu’au bout car c’est le signe que le monde ne va pas si mal. Le jour où porter le masque en permanence et être confiné chez soi la moitié de l’année sera tellement ancré dans notre quotidien que nous ne nous plaindrons plus, nous aurons perdu. Je veux croire que la situation s’arrangera un jour ou l’autre. Donc oui, nous sommes mieux lotis qu’il y a un siècle mais encore heureux.


28 octobre. Alors que l’année universitaire a commencé tant bien que mal depuis un mois et que le couvre-feu a déjà mis à mal nos relations sociales, nous sommes tous tenus en haleine à 20h face à l’allocution du président de la République. « Reconfinement », ce mot qui était tant attendu que redouté résonne dans les téléviseurs comme un coup de massue. Bien heureusement, les mesures sont plus souples qu’aux mois de mars et avril avec l’ouverture des bibliothèques universitaires, permettant aux étudiants moins bien lotis de travailler un minimum dans des conditions décentes.


Néanmoins, l’aspect psychologique est toujours présent. Contrairement au premier confinement, les examens sont autorisés comme si seules les notes importaient. Les lycéens vont en cours comme si entre les terminales et les premières années de fac, il y avait tout un monde. Nous parlons beaucoup du temps présent comme s’il était le seul à compter pour la jeunesse, mais quelles perspectives d’avenir lorsque la crise sanitaire engendre une grande crise économique ? Quel espoir lorsque nos parents perdent un cinquième de leurs revenus car leurs commerces ne sont pas considérés comme essentiels et que nos jobs étudiants ne nous donnent le droit à aucune aide même lorsqu’ils sont empêchés par la crise sanitaire ? Nous ne pouvons planifier le début de l’année 2021 correctement alors comment planifier les années à venir ? C’est l’incertitude qui ronge à petit feu une génération de plus en plus touchée par la précarité et le chômage post-diplôme.


24 novembre. Un déconfinement progressif est annoncé lors d’une énième allocution d’Emmanuel Macron. Les lycées, encore ouverts en demi-groupes, rouvriront pleinement deux semaines avant les universités. Les cérémonies religieuses de moins de trente personnes seront autorisées avant que nous ne puissions retourner dans nos salles de classe. Comment reprendre espoir lorsque l’enseignement supérieur est oublié, délaissé, comment imaginer l'après-coronavirus quand les restaurants et bars rouvrent avant nos universités ? Cette annonce ne vient que confirmer la position oubliée qu’occupe le monde universitaire et les étudiants depuis le début de cette crise. Certains cursus ne regroupent même pas trente étudiants dans une même salle et nous n’avons pour autant pas le droit de retourner en cours, même en demi-groupe. L’enseignement supérieur se voit cassé toujours plus d’années en années sous le coup de réformes réfutées par la majorité des enseignants. Le tout numérique prend le pas en cette période mais elle ne doit jamais devenir la norme et nous devons nous battre pour cela.


En conclusion de cet article, je dirais qu’il ne faut jamais perdre espoir et que de meilleurs jours arriveront tôt ou tard, même si notre génération agonise sous le joug des différentes mesures, bien souvent injustes à notre égard lorsque l’on voit les autres secteurs de la société. Il ne faut pas se laisser atteindre par les réflexions et commentaires de certains qui ne peuvent comprendre la manière dont chacun vit la crise. Nous avons un nouveau monde à reconstruire, de nouveaux codes sociaux à adopter et notre vie à reprendre en main. À tous ceux qui critiquent la jeunesse en lui affublant tous les maux de la terre, je dirais qu’ils devraient essayer de se souvenir de leurs vingt ans, du monde dans lequel ils vivaient avant d’essayer de nous critiquer. S’il y a bien une chose que le président a dit de juste, c’était qu’il « est dur d’avoir vingt ans en 2020 » et que nous vivons cette crise comme nous le pouvons.


Manelle Sokar



 
 
 

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