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La mémoire de l’empire de 1815 à nos jours : entre commémoration et célébration.

Le 9 janvier 2023, le député Jean-Philippe Tanguy a déclaré réclamer le rapatriement des cendres de Napoléon III à l’occasion du 150e anniversaire de la mort du dernier monarque des Français et dit avoir écrit une lettre au Président de la République afin de soutenir sa démarche. Louis Napoléon Bonaparte, mort en exil en Angleterre le 9 janvier 1873 à la suite de sa défaite contre la Prusse en 1870, est inhumé avec son épouse Eugénie et leurs fils dans une église de Farnborough. Selon le député, le seul objectif du retour de leurs cendres à l’instar de Napoléon Ier serait de “ramener les cendres d'un homme, d'une femme et de leur enfant qui ont servi la France et les Français”. Cette proposition n’est pourtant pas la première. En effet en 2007 le Secrétaire d’État Christian Estrosi a vu sa requête être refusée par les responsables de la dépouille de l’empereur et de la communauté anglicane. Ces propositions régulières concernant le retour des dépouilles de la famille Bonaparte révèlent de véritables enjeux de mémoire concernant le rôle de l’empire en France.


Ce débat émerge dès la mort de Napoléon Bonaparte le 5 mai 1821 à l’âge de 51 ans après 6 ans de captivité sur l'île de Saint Hélène. Si l’homme meurt, sa légende et son héritage continuent de vivre chez certains Français, qui créent un mythe prométhéen autour de cet exil : le "père du Nation", condamné à vivre le reste de sa vie sur un rocher par ses ennemis pour s'être voulu trop grand, pour s'être voulu surhomme. Ses mémoires rédigées par Emmanuel de Las Cases pendant sa captivité ont été un véritable succès à leur sortie en 1823, bien au déplaisir du roi Louis XVIII. Durant son règne, celui-ci va chercher à discréditer Napoléon en le qualifiant "d’usurpateur”, pour cela il glorifia la résistance royaliste et enterra de nombreux projets menés par Napoléon. Cependant, le peuple français n’était pas du même avis. Ce dernier restait nostalgique de l’empire, période synonyme de gloire, de prospérité et de stabilité : c’est le culte populaire. Celui-ci a été notamment très propagé par la grande armée qui faisait vivre la légende de l’empereur à travers l'Europe. Par exemple en Italie, en Belgique ou encore en Pologne, Napoléon fut considéré comme un libérateur et fut nommé le roi des peuples par ces derniers. Après la révolution des Trois Glorieuses, Louis Philippe voulu réconcilier mémoires officielle et populaire en mettant en place une politique mémorielle. Il a notamment accompli la promesse de Napoléon faite à ses soldats en finissant l’Arc de Triomphe les glorifiant en 1836. Mais surtout il organisa une cérémonie lors du retour des cendres de Napoléon le 15 décembre 1840, durant laquelle plusieurs milliers de Parisiens et près de 80 000 vétérans y assistèrent. Ceci illustre parfaitement la célébration nationale de l’empire et surtout de Napoléon qui est considéré comme un acteur majeur de l’histoire de France.


Cette mémoire et l’héritage napoléonien ont profité à Louis Napoléon Bonaparte qui après la proclamation de la Seconde République a été élu Président de la République grâce aux soutiens des campagnes nostalgiques de l’empire. Après la proclamation du Second Empire en 1852, Napoléon III fit de son oncle un héros national. De ce fait, celui-ci entreprit la construction de nombreux monuments notamment plusieurs statues comme par exemple la première inaugurée à Cherbourg en 1858 où Napoléon est représenté sur son cheval pointant l'Angleterre. Napoléon III inaugura fièrement la crypte des Invalides, enfin achevée en 1861. Il renonça en revanche prudemment à célébrer en trop grandes pompes le centenaire de la naissance de son oncle, le 15 août 1869. En effet, celui-ci évitait de trop utiliser son image de peur de lui faire de l’ombre.


Mais la IIIe République naquit dans le sang de la guerre contre la Prusse en 1870. L’empire et les Bonaparte furent considérés comme des dangers pour le gouvernement. Cependant ceux-ci ont laissé une trace et des apports non négligeables notamment politiques, judiciaires, socio-économiques, mais surtout un impact historique et géopolitique à travers leurs conquêtes. Le gouvernement va faire le choix de tenter de réconcilier les différentes mémoires de cette époque. En effet il existait la mémoire bonapartiste qui vouait un véritable culte à l’empereur, suite à la création de sa légende durant son règne via la presse et l’art notamment. La mémoire historienne qui elle nuança les actions de l’empire. Enfin la mémoire républicaine fut divisée en deux entre ceux qui glorifièrent Napoléon pour ses actions, tandis que d’autres le dénoncèrent. Par conséquent Napoléon fut peu à peu incorporé dans l’histoire en tant que l’homme fort des nationalistes comme De Gaulle à notre époque. Si la République se construit dans un rejet d’un pouvoir exécutif fort, elle ne peut effacer la force de la fascination pour un héros incarnant la nation : le mythe impérial demeure un capital dans lequel sont puisés les éléments d’identité d’une nation qui tente de construire sa République sur une défaite. Le soldat français par exemple durant la Première Guerre mondiale a été galvanisé par les exploits de la vieille garde à travers les mots de Cambronne à Waterloo. Dès lors on ne célèbre non plus les hommes mais leurs actions. Napoléon devint dès lors un outil politique mémoriel, certains le considérant comme le symbole fort du prestige français.


Cependant le point de rupture entre les célébrations et la commémoration va se percevoir à travers les manifestations de mai 68. En effet, on perçoit dans ces manifestations et avec la décolonisation la volonté d’obtenir de la reconnaissance symbolique. L’histoire de l’empire va donc être nuancé et des grandes questions comme le retour à l’esclavage et les droits des femmes vont être débattu à nouveau. De ce fait, les actions réalisées par Napoléon n'étaient peu voire pas évoquées dans l’histoire. De ce fait l’empire ne va plus être célébré mais des événement vont être choisi par une commission afin de se souvenir c’est le début de la commémoration de l’empire. On décide non plus de célébrer tous les succès de l’empire mais aussi les échecs de de celui-ci et ses actes. Le 5 mai 2021, le président Emmanuel Macron organise une cérémonie aux Invalides pour honorer la mémoire de la mort de Napoléon. Celui-ci évoque malgré tout durant son discours la nécessité de nuancer et de condamner certaines de ces actions notamment l’esclavage qui est inexcusable. Ce bicentenaire illustre parfaitement cette notion de commémoration ou l’histoire de l’empire est encore débattu de nos jours et sa perception varie selon les pays.

Nous pouvons citer Chateaubriand “ Vivant, il a manqué le monde ; mort il le possède”, cette citation résume parfaitement la mémoire de l’empire en France à l’étranger ou le nom de Bonaparte traverse l' esprit du plus grand nombre, en bien pour certains en mal pour d’autres. Par conséquent les propositions du retour des cendres de Napoléon mais aussi comme le rapatriement du général Gudin en 2021 ne résulte que d’une volonté de commémoration de cette grande page de l’histoire de France afin de ne pas oublier.


Guillaume

 
 
 

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