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Qu’est ce que le mouvement woke et la cancel culture dont on entend tant parler ?

Dans le troisième épisode de la saison 2 de la série The Politician, Payton Hobart, le protagoniste principal, veut devenir sénateur de New York mais sa campagne électorale est compromise lorsque son adversaire poste une photo de lui, à l'âge de six ans, déguisé en Geronimo, une figure importante de la communauté amérindienne. Cet épisode, intitulé « Cancel culture », met en lumière un mouvement qui prend de l'importance dans nos sociétés. Cancel culture ​​est un concept appartenant au mouvement woke. Mais de quoi s’agit-il concrètement ?

Ces derniers temps, on entend parler à tout va de culture woke ou de cancel culture mais à quoi cela correspond-il ? Récemment notre ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a entamé une campagne médiatique anti-woke, ainsi, comme nous pouvons le lire dans un article du Figaro étudiant, datant du 25 octobre dernier et s’intitulant « Selon Jean-Michel Blanquer, le wokisme est une forme d’«obscurantisme» », notre ministre aurait comparé le wokisme au totalitarisme, fortement critiqué le rapport à l’histoire des individus se revendiquant comme étant woke mais également affirmé que le wokisme serait un danger pour la démocratie. Cette vague anti-woke n’est néanmoins pas uniquement française. En effet, si l’on traverse la Manche, le premier ministre de la Grande Bretagne, Boris Johnson a récemment annoncé qu’il voulait combattre la cancel culture dans son pays.

Avant de poursuivre sur l’actualité, il est important de faire un petit rappel historique. Le wokisme ou mouvement woke, signifiant littéralement « éveillé », est un mouvement né dans la seconde moitié du XXe siècle au sein de la communauté afro-américaine et visant à éveiller les Afro-Américains aux discriminations dont ils étaient victimes. Ce terme réapparaît avec le mouvement Black Lives Matter au début des années 2010 aux États-Unis. Le mouvement wokes'est développé, notamment grâce aux réseaux sociaux et s'est propagé à toutes sortes d'injustices ou de discriminations mais aussi à d'autres zones géographiques comme l'Europe. Ainsi, ce mouvement s’est largement propagé dans nos sociétés contemporaines, créant de larges débats entre ses adhérents et ses détracteurs. Le plus grand débat aujourd’hui concernant le concept de la cancel culture, dérivant du mouvement woke et correspondant à une dénonciation publique des injustices subies par certaines catégories de personnes, mais aussi des auteurs de ces injustices. Ainsi, ce mouvement veut que soient supprimées les productions culturelles qu'ils jugent discriminatoires. Avec des mouvements comme BlackLives Matter ou Me Too, les dénonciations publiques de célébrités ou d'œuvres sont devenues monnaie courante et ont atteint la sphère politique aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne.

Le mouvement woke correspond-t-il donc à un avènement de la liberté d’expression ou à une politique de la bien-pensance comme semblent le penser ses détracteurs ?

La réponse à cette question me semble être double. En effet, s’il est vrai que, comme dans à peu près tous les mouvements politiques sociaux, poussé à l’extrême, le mouvement woke peut amener à des dérives, il me semble totalement exagéré de parler de menace à la démocratie lorsque l’on décrit une vague de libéralisation de la parole.

En effet, les débats actuels semblent se focaliser sur une idée que l’on se fait du mouvement woke et non sur ce qu’il est réellement. Au sein de ce mouvement, le principe de la cancel culture pose réellement débat. Mais ce débat n’existe qu’en raison d’une incompréhension de ce qui est réellement demandé. Faut-il radier de notre histoire le colonialisme, l’esclavage et tous les méfaits dont nos sociétés sont coupables ? Certainement pas. Enlever une statue de Napoléon revient-il à nier notre histoire ? Non plus. S’il est nécessaire de connaître notre histoire et de ne pas renier notre passé, il semble légitime de ne pas vouloir encenser les personnalités historiques responsables de ces méfaits. C’est ici que cela se complique.

Ainsi, prenons l’exemple de la statue de Thomas Jefferson présente dans la chambre du conseil de la mairie de New York. Récemment, son retrait a été voté car s’il était père fondateur des Etats-Unis, il était également propriétaire d’esclaves. Ce retrait a immédiatement fait réagir et beaucoup ont parlé de cancel culture, mais il ne s’agit pas d’une volonté d’annuler l’histoire de nos pays. En effet, il est facile de retourner les arguments des anti-woke contre eux-mêmes. Ils considèrent que retirer cette statue constitue une volonté d’effacement de l’histoire, néanmoins, la commission ayant voté son retrait a proposé de la prêter à la Société Historique de New York, permettant ainsi de la protéger et de l’exposer tout en recontextualisant cette œuvre.

Retirer une statue constitue-t-il donc une volonté d’effacement de l’histoire ? Non. La garder et « encensé » une personnalité historique en ne considérant que ses bienfaits et non ses méfaits le constitue-t-il ? Je pense que oui. On voit ici la complexité du débat et il apparait clairement qu’on ne peut avoir une approche manichéenne de la question. S’il ne faut pas tomber dans une négation de notre histoire, il est nécessaire de recontextualiser les œuvres qui nous entourent et de nous éduquer à ce sujet.

Les débats concernant le mouvement woke et la cancel culture mettent donc en évidence une vague de réflexion sur notre histoire et, loin de résider en une volonté de nier notre histoire comme beaucoup de politicien le pense, ce mouvement est symptomatique d’une société qui se veut plus ouverte, « éveillée » aux injustices et aux discriminations qui ont eu et qui ont toujours lieu aujourd’hui.

Ainsi, il faut prendre des pincettes et tenter de comprendre les raisons qui se cachent derrière une action se disant, ou que l’on dit, woke. Néanmoins, et ma réflexion s’arrêtera là, comme tout mouvement, des dérives peuvent survenir et il faut faire attention à ne pas tomber dedans, telle qu’une négation des avis divergents ou encore ce que nos politiques appellent la « politique de la bien-pensance ».

Manelle SOKAR



 
 
 

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