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Wilfred Owen à Hong Kong : guerre et guerrillas sous le prisme de la poésie

La fin de l’été s’est toujours accompagnée d’une certaine mélancolie, à laquelle les feuilles mortes vous confrontent. Que cela soit l’enfant en passe de rentrer à l’école, le fardeau de son sac sur son dos voûté ou que cela soit les amants qui se quittent avec l’arrivée de ce fatum qu’est le mois de septembre, la fin de l’été est un traumatisme. Mais en 1914, ce traumatisme fut d’autant plus vif que les jeunes hommes se rendirent vite compte que bientôt, ils devraient s’engager sous les drapeaux, que les mères de famille devaient se faire à l’idée de perdre leurs fils et maris. Pour surmonter ce traumatisme, Wilfred Owen (1893-1918) à l’instar d’autres artistes qui lui sont contemporains, a troqué sa baïonnette pour la plume. Dans cette étude, nous nous interrogerons sur les résonnances de la poésie de Wilfred Owen dans un contexte politique marqué notamment par les manifestations à Hong Kong. Jeune volontaire, Wilfred Owen décide de rejoindre l’armée lorsque, la guerre faisant rage, l’Etat britannique compte sur l’engouement de ses concitoyens n’hésitant pas pour ce faire à utiliser un vocabulaire belliqueux. On croit alors que ce qui deviendra la Grande Guerre ne survivra pas plus loin que Noël. Le conflit durera encore 4 ans. Wilfred Owen est un homme à la carrure frêle et à la vision déficiente mais la mobilisation, quoique forte, n’étant pas suffisante, il fera l’affaire. Erudit malgré son jeune âge, Wilfred Owen rêve au Paradis Perdu de John Milton ou bien encore au rossignol de John Keats. L’on ne sait quand lui a pris cette volonté de tout confiner sur ses carnets ; a-t-il eu conscience de l’ampleur de l’événement dans lequel il venait de plonger la tête la première ? Il semble que la littérature soit le moyen le plus adapté pour s’inscrire dans la postérité. Revenons alors sur ce qu’écrire implique. Ecrire un poème revient à écrire un testament, semble-t-il. Forme d’expression la plus intime et par là la plus complexe à interpréter, la littérature ne nécessite que très peu de matériel. A bas donc chevalets et burins, clavecins et daguerréotypes ! Un peu d’encre, une feuille suffisent largement à transmettre émotions et impressions. Cela tombe bien, l’on fournit au soldat de quoi écrire à leur famille. Ces conditions spartiates bénéficient à Wilfred Owen qui au lieu d’écrire à sa famille écrit des poèmes. Ces poèmes s’adressent au monde. Un projet bien plus noble, nous en conviendrons que de graver quelques lignes sur les rats qui vous rongent les os ou sur la soupe infâme qui doit vous nourrir chaque jour. Ecrire relève donc du caractère organique de l’art, de ce caractère trivial qu’a l’expression, par des mots savamment médités, de transmettre l’inommable. Ce qui importe n’est pas comment Owen transmet ce dont il est le témoin mais bien ce qu’il transmet. Peu importe qu’il écrive au lieu de peindre - Otto Dix le fera très bien pour relater l’expérience concentrationnaire de la Seconde Guerre mondiale -, pourvu qu’il ait des choses à dire. Et c’est bien là notre propos : Wilfred Owen n’est pas un officiel après tout. Tout au plus de la chair à canon. Son oeil sur le front est acerbe, empreint de la violence et de la désillusion ambiantes. Etudier ses poèmes revient à étudier ce que la jeunesse voit et comment cette même jeunesse tâche de le relater. Voyons en comparant Owen avec la situation à Hong Kong. Notons d’abord que la situation originelle n’est pas identique : la Première Guerre mondiale est une guerre officielle, organisée et fondée sur une hiérarchie. Les officiels mourront mais après avoir envoyé à la mort leurs sous-fifres. A Hong Kong, de l’autre côté, il s’agit d’une manifestation. Organisée mais sauvage, enhardie par des luttes séculaires mais lourdement réprimée, la “guerrilla” de Hong Kong se caractérise d’abord par sa jeunesse qui fait bloc, comme unie en un seul et même corps, cette jeunesse en effraie plus d’un – c’est souvent le cas, il suffit de voir les réactions acerbes à mai 68 qui, malgré son combat louable a été taxée de toutes les infamies – ou en encourage tout autant. Ernest Hemingway parlait de lost generation mais il semble que toutes les générations sont vouées à être perdues, ou du moins c’est que la génération du dessus dit. La poésie n’ayant plus les faveurs populaires, les Hong Kongais ne sont pas en reste quant à la nécessité de s’exprimer, par tous les moyens possibles. La plupart du temps anonyme – il en va de leur survie -, nombreux sont ceux qui usent des réseaux sociaux à coups de hashtags ou bien encore ceux qui, à l’instar de Snowden ou autres Assange décident d’éveiller les consciences sur le silence que l’on impose peu à peu à la société civile. Lanceurs d’alerte ou fervents adeptes de Twitter, nous pouvons déjà relevé un aspect divergent face à la situation lors de la Première Guerre mondiale. En effet, qu’il s’agisse d’Isaac Rosenberg (1890-1918), de Wilfred Owen ou de Rupert Brooke (1887-1915), nous parlons d’un individu en particulier. Or, dans le cas de Hong Kong, nous évoquons la manifestation comme transcendante, comme étant concomitante d’un effort solidaire. Il en vient là de la notion de glorification de l’individu, martyr mort pour ses idées. Notre société judéo-chrétienne s’est d’ailleurs fondée sur des martyrs qui doivent motiver les générations à venir à faire de même, ceux de Daniel et Sébastien en tête, sans évoquer le martyr de Jésus. S’il n’est pas question ici de religion, l’on peut entrevoir une nécessité humaine d’exaltation de figures. Jésus est mort sur la croix, Wilfred Owen est mort sur le champ de bataille. Certes l’on évoque les manifestants gazés à coup de lacrymogène, certes l’on évoque les mineurs arrêtés par les forces policières, certes l’on évoque les disparus des manifestations mais parce que le mouvement est sauvage et parce qu’il transcende la simple question de l’individu, il apparaît qu’aucune figure ne se détache distinctement. Il est de notre devoir de nous informer sur la situation à Hong Kong et de donner une voix à ces manifestants dont le courage n’a d’égal que celui de Wilfred Owen.

Candice

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